La libération des camps : le dernier jour de notre mort

En 1947, David Rousset publiait aux éditions du Pavois, dans la collection Le Chemin de la Vie, dirigée par Maurice Nadeau, Les Jours de notre mort.
« Ce livre, écrivait-il, est construit avec la technique du roman par méfiance des mots… Toutefois la fabulation n’a pas de part à ce travail… »
Les Jours de notre mort est encore aujourd’hui le seul « récit » global sur l’univers concentrationnaire. L’Univers concentrationnaire, un autre maître livre de David Rousset. En 1966, David Rousset, ami de mon père, m’encourage à entreprendre une première enquête sur la déportation. Avec la libération des camps s’achève le cycle. Le Dernier Jour de notre mort est un remerciement et un hommage à David Rousset, son œuvre, son engagement à « dire vrai ».— vous avez bien dormi ? demanda le lieutenant en dépliant sa carte.
— Comme une enclume, répondit le sergent François Hebert. On a trouvé des matelas abandonnés par les réfugiés. Et vous savez ce que l’on dit chez nous à Québec : « Celui qui a inventé le matelas…
— … n’est pas la moitié d’un imbécile. » Je n’ai pas oublié. Vous commencez à radoter. Ça fait trois fois en quatre jours que vous me servez la même phrase.
Leur détachement de quatre Jeep, deux 4 x 4 et un half-track quitta Celle-sur-Aller, à une trentaine de kilomètres de Hanovre, derrière un convoi de camions-citernes de la 2e armée britannique. Au nord, des Lancaster sous escorte de chasseurs pilonnaient.
— Ils sont à sept, huit kilomètres.
— Ça nous prépare un joli méli-mélo sur la route. J’avais pensé que nous serions à Bergen dans une heure.
Il leur en fallut six pour grignoter les vingt-neuf kilomètres qui séparaient les deux villes. La route était une muraille à peu près infranchissable de réfugiés poussant, tirant d’invraisemblables équipages surchargés allant de la voiture d’enfant au lourd chariot à betteraves, escaladant les enchevêtrements de débris blindés, de cadavres de bêtes de trait, de ballots, de caisses, de valises abandonnés...